On a l’habitude de distinguer l’hypnose Éricksonienne dont les inductions seraient lentes douces, respectueuses et permissives et les inductions rapides propres à l’hypnose de spectacle dans laquelle les inductions sont brutales, autoritaires et directives.
Or, cette distinction n’a pas lieu d’être car en réalité, quand on lit la somme des articles d’Érickson, on voit qu’il ne cesse de naviguer entre ces deux manières d’induire une transe hypnotique. A ceci près, qu’il a une compréhension particulièrement poussée des phénomènes hypnotiques, ce qui lui permet de reconnaître que la transe hypnotique est un processus qui appartient au patient et non au thérapeute.
Il écrivait déjà dans son article de 1953 « L’hypnose profonde et son induction » qu’on insiste trop sur ce que doit faire le praticien et pas assez sur ce qui se passe chez le patient.
Les inductions rapides impliquent en réalité une préparation particulière du patient. Il convient donc d’apprendre à le préparer correctement pour pouvoir raccourcir naturellement la durée des inductions. Érickson posait souvent la question de savoir « combien de temps il faut pour s’endormir ? ». Parfois, on passe la nuit à chercher le sommeil tandis que, lorsque les conditions sont remplies, on peut s’endormir avant même que la tête n’ait touché l’oreiller. La pratique des inductions rapides repose donc sur cette idée de préparation du patient. A partir de là, les inductions peuvent se faire de manière très fluide sans pour autant être brutale telle qu’on le voit parfois en spectacle.
Il n’y a qu’à penser à l’exemple de la poignée de main hypnotique. Bandler et Grinder la présentent comme une « rupture de pattern », on saisit la main de la personne et on l’approche de son visage par surprise au lieu de la serrer naturellement pour le saluer. C’est une interruption d’un pattern culturel (le geste de se serrer la main).
Érickson le fait différemment. Un patient vient de loin demandant une hypnose car il n’arrive plus à utiliser l’hypnose dans son métier depuis qu’il a perdu son fils. Érickson repère que ce patient a secrètement besoin d’échouer et il commence par s’évertuer à l’hypnotiser avec les cajoleries habituelles qui échouent toutes. Au moment de raccompagner le patient à la porte il lui propose de saluer son épouse. Le patient est interrompu dans son pattern d’échec (« je repars sans avoir réussi à être hypnotisé ») et au moment de dire au revoir à Érickson il lui serre la main sans se méfier. Milton n’a plus qu’à la retenir un peu dans sa main au lieu de la lâcher, il la tourne paume vers le ciel et l’invite à « rester exactement comme ça » et à le suivre dans son cabinet. La séance peut se dérouler. Le patient retrouve sa capacité à vivre. L’histoire se termine.
En apparence, l’induction a été faite en quelques secondes mais elle a pu être si rapide parce que le besoin inconscient du patient d’échouer avant de pouvoir réussir a été perçu, ratifié, et utilisé à bon escient par le thérapeute en amont.
Dans cette perspective, les inductions rapides sont rendues évidentes par la disponibilité naturelle de l’humain à l’hypnose. Le travail du thérapeute est donc de « créer rapidement le contexte favorable » permettant l’apparition rapide de la transe. Un peu comme si la personnalité inconsciente du patient « sentait » le moment propice, la manière et la personne avec qui l’hypnose peut advenir. Rapidement.